Kye Meredith Georgestone.
18 . 03 . 1992
Britghton (UK).
01 . 01 . 10 ♦ accident de voiture.
Sycamore Street


• Instable ; Garce
• Amoureuse ; Rebelle
• Franche ; Indépendante
• Bravache ; Grande gueule

Quand on est mort, on n'est plus rien. On laisse derrière soi un vide, de la souffrance, des remords. Mais on n'est pas là pour voir les dégâts. Cette malédiction, elle porte bien son nom, tant pour les défunts revenus, comme moi, que pour les vivants. Chaque fois que je pose les yeux sur quelqu'un que j'aime, j'ai l'impression d'être un souvenir malsain qui lui broie le cœur. Je fais semblant d'être aveugle, persuadée que noter leur attitude ne ferait qu'enfoncer le couteau dans la plaie.
Je ne suis pas vivante, je ne suis pas morte non plus. Je ne retrouverai jamais la place que j'avais avant. Antonin, Dax, mes parents... Tout a changé alors que j'aurais voulu que le temps suspende son vol, qu'on n'ait pas fait tant de mal en disparaissant, plus encore en revenant. Alors, j'essaie de faire comme si rien n'avait changé, bien maigre façade pour garder ses distances de sécurité avec les gens qu'on aime.

Kye soupira en le voyant arriver. Elle baissa les yeux et traça son chemin. Mais il était coriace, Antonin. Alors il ne se laissa pas faire, venant à sa rencontre et lui agrippant le bras pour la retenir. Elle fut bien obligée de lever les yeux vers lui. Les paroles fusèrent aussitôt :

"J'veux plus te voir, j't'ai dit."

Elle tenta de se dégager, mais son étreinte se resserra. Elle fronça les sourcils, le fixant droit dans les yeux. Elle n'avait pas été suffisamment claire l'autre jour, peut-être ? Qu'est-ce qu'il voulait au juste ? Qu'elle le castre ?

"Putain, Kye, explique-moi...
- On n'a rien à se dire, laisse-moi !"

Elle détourna la tête, s'échinant à ne pas répondre à son regard qui tentait de percer ses intentions. Elle ne craquerait pas. Pas cette fois. Elle l'aimait, elle n'en doutait pas. Mais son histoire avec lui l'épuisait. Quelque part, Dax avait raison quand il la faisait chier avec ça. Avec Antonin, ils se cherchaient, se trouvaient, se couraient après. Elle passait du rire aux larmes, pour un mot de trop. Il devenait fou de rage pour une raison qu'elle ne comprenait même pas toujours. C'était crevant, déchirant, enivrant. Une addiction, pire qu'une drogue. C'était Antonin. Elle voulait garder ses distances avec lui, éviter de replonger là-dedans. C'était mieux ainsi. Il passa sa main sous son menton pour la forcer à le regarder. Ce simple contact électrisa Kye.

"Regarde-moi et dis-moi que t'en as rien à foutre de moi, Kye."

Une boule se coinça au niveau de sa gorge, l'empêchant de réfléchir clairement. Elle le fixa un moment, en silence, tentant de lui jeter à la figure les mots qu'il voulait tant entendre. Mais rien ne vint, à part des larmes qui commencèrent à lui monter aux yeux quand elle se décida à articuler :

"Lâche-moi, putain..."

Sa voix avait été tremblante. Elle détestait être faible comme ça. Elle haïssait qu'il réussisse à la faire devenir ainsi, à faire ressortir ce côté en elle. Tout ça avec un simple regard. Elle le repoussa. Et ne put même pas faire deux pas qu'il l'avait déjà rattrapée. Il la fit se retourner. Kye sentit sa main partir aussi sec. Elle le gifla, comme souvent quand elle trouvait qu'il dépassait les bornes. Ils se fixèrent un instant, comme deux guerriers avant un combat. Et puis, finalement, ils baissèrent les armes. Elle s'avança et l'embrassa. C'était un de ces baisers passionnés et tendres à la fois, comme lui seul savait les faire. Tout s'enchaîna très vite. Ils se retrouvèrent dans la voiture d'Antonin et ne tardèrent pas à être interrompu par un policier qui frappa à la fenêtre. Il soupira presque en les voyant. Rye, c'était tout petit. Encore plus quand on est la fille du maire et qu'on est réputée pour ses frasques. Il leur demanda d'avoir fichu le camp quand il repasserait d'ici une dizaine de minutes.

C'était le nouvel an, le prétexte idéal pour tous les jeunes de Rye et des alentours de se lancer à corps perdu dans une fête pas franchement recommandable. Tous avaient bu, dansé, fumé, peut-être sniffé, et le tout allait sûrement finir dans des chambres à l'étage, ou aux quatre coins de la baraque. C'était du moins ainsi que Kye l'entendait, alors qu'elle était avec un Antonin presque trop défoncé pour tenir debout. Ils avaient passé une bonne partie de la soirée à se tourner autour puis s'embrasser, bien trop passionnément pour être corrects. Enfin, c'est à peine si on devait les remarquer au milieu de tous ces gens tous plus éméchés les uns que les autres. De toute façon, Kye n'en avait rien à foutre de ce qu'on pensait d'elle : elle était jeune, elle avait la vie devant elle pour être sage. Les mains d'Antonin remontait le long de ses cuisses, soulevant au passage sa jupe bien trop courte, quand elle sentit qu'on tirait sur son haut. Elle détacha non sans mal ses lèvres de celles de son petit-ami et tomba nez à nez avec sa sœur. Sage, putain, qu'est-ce qu'elle foutait là ? Dax était vraiment irresponsable de l'avoir amenée avec eux. Elle espérait qu'il ne l'avait pas plantée là et qu'à présent elle se retrouvait à devoir lui demander de l'aide, à elle. Kye fronça les sourcils en demandant :

"Qu'est-ce qu'il y a, Sage ?
- Dax dit qu'on s'en va."

La brunette retint une insulte et se dégagea de l'étreinte d'Antonin, qui n'avait pas l'air d'avoir suivi quoi que ce soit. Elle demanda à sa soeur, d'un air plus sec qu'elle aurait voulu :

"Il est où ?"

Sage répondit par un signe de la tête. La brunette vit aussitôt son jumeau. Elle posa sa main sur l'épaule de Sage pour s'assurer qu'elle la suivait bien et surtout qu'on ne l'emmerderait pas trop sur les quelques mètres à parcourir. Elle fusa sur Dax. Il était chiant, à toujours vouloir tout décider pour tout le monde et à croire qu'ils devaient tous obéir comme s'ils étaient des chiens à son service. Folle de rage et bien éméchée, elle lui jeta à la figure :

"Tu te fous de moi, là, pas vrai ? Il est à peine deux heures...
- On rentre Kye, c'est tout, c'est comme ça, Sage est crevée..." répliqua-t-il avec son calme olympien qu'elle haïssait tant.

Elle eut un léger rire sarcastique. Facile, comme excuse. Il n'allait pas s'en tirer comme ça. Il s'était déjà levé de la table, marchant tranquillement vers la porte, comme s'il avait gagné. Elle le suivit aussi sec et attrapa sa manche pour le retenir.

"Non, tu ne vas pas me faire ce coup là, je sais très bien que tu ne t’occupes que de ton cul, là, faut pas non plus coller Sage partout, cette excuse devient trop vieille. Tu vas te détendre un peu et t’amuser parce que ça commence vraiment à être lourd et j’en… "

Elle se stoppa net en voyant la tête que son jumeau tirait. Il avait pas envie de discuter, ça semblait plutôt sérieux. Quelque chose l'avait mis hors de lui et, très honnêtement, elle n'avait aucune envie d'en faire les frais pour rester à cette soirée. Il en profita aussitôt pour lancer :

"Sage, passe devant, on arrive. Kye, tu me lâches et tu montes dans cette putain de voiture, on rentre"

Elle fronça les sourcils tout en lâchant le bout de tissu par lequel elle le retenait... pour aussitôt poser ses mains sur son visage, l'obligeant à la fixer droit dans les yeux. Son regard se plongea dans le sien avant d'inspecter chaque parcelle de son visage. Ça n'allait pas fort. Se bourrer pour se bourrer, c'était pas franchement son genre. Il y avait autre chose qui expliquait son état, il voulait pas seulement lui bousiller sa soirée pour une raison qu'elle ignorait. Elle se calma et soupira légèrement avant de lui dire calmement :

"T’es complètement torché, donne moi les clés, je suis plus clean que toi, je vais conduire…"

Elle avait déjà tendu la main pour lui signifier de lui filer les clés de la voiture. Mais il répliqua aussi sec :

"Rêve. Allez, t’as cinq minute pour planter Antonin, je t’attends. Mais bouge toi, ça pèle dehors, Sage va être malade…"

Et il fit volte-face pour quitter définitivement la soirée. Kye le regarda sortir avant de secouer la tête d'un air dépité. Ce qu'il pouvait être chiant quand il s'y mettait. Elle retrouva rapidement Antonin. Elle éloigna une pétasse qui lui tournait autour et retrouva sa place dans ses bras. Elle n'y pouvait rien, c'était plus fort qu'elle, comme si elle avait un besoin viscéral de le sentir contre elle. Très vite, leurs lèvres se trouvèrent, leurs mains parcoururent les courbes de l'autre. Elle eut bien du mal à s'écarter pour lui dire qu'elle devait rentrer, oui, déjà. Elle n'eut besoin que d'un mot pour justifier ce départ impromptu :

"Dax..."

Antonin n'eut pas l'air plus surpris que ça, comme s'il s'attendait à une réaction de ce genre de la part du jumeau de Kye. Elle soupira et ajouta :

"Non mais il va pas fort, j'crois bien. Il m'attend, je ferais mieux d'y aller."

Elle l'embrassa une dernière fois, s'éloigna rapidement, pour ne pas être tentée de rester ici et dire à Dax d'aller se faire voir. Antonin la retint par la main et l'attira vers lui. Ses mains glissèrent sur ses hanches, détruisant au passage les barrières qu'elle avait tenté de dresser pour résister. Elle resta là un moment avant de se décider à finalement souffler :

"Faut vraiment que j'y aille..."

Elle lui sourit, ce n'était que partie remise après tout. Ils avaient tout le temps pour être ensemble, non ? Il la laissa partir, bien que, elle en était sûre, il l'aurait suivie si elle le lui avait demandé. Elle sortit dans le froid et se dépêcha de rentrer dans la voiture où le chauffage tournait déjà. Elle lança un regard froid à son jumeau mais ne broncha pas. Il démarra la vieille Ford que leurs parents leur laissaient et roula pendant quelques kilomètres en silence. L'ambiance était pesante, Sage ne bronchait pas mais Kye pouvait presque sentir que, tout comme elle, elle n'appréciait pas le comportement de Dax. Finalement, la jeune femme se décida à lui exploser, balançant au passage tout les reproches qui s'étaient accumulés à son sujet tout au long de la soirée :

"Putain, Dax, tu vas m'dire ce qui va pas ? Déjà, t'emmènes Sage à une fête où elle a certainement pas besoin d'aller, alors que papa et maman te font confiance. Ensuite, tu fais la tronche toute la soirée et puis monsieur décide qu'il faut rentrer. T'as complètement merdé de A à Z ce soir donc dis-moi ce que t'as, au moins. Je...
- Ta gueule, putain, Kye. Non, je ne veux pas te dire ce qui ne va pas, fous moi la paix maintenant" hurla-t-il, la coupant au passage.

Elle n'eut pas le temps de répliquer. La colère et l'alcool aidant, Dax perdit le contrôle du véhicule qui finit sa course dans la rambarde. La dernière chose qu'elle se souvienne, c'était cette barrière qui s'approchait bien trop vite, le choc que cela provoqua, le bruit horrible du verre brisé, de la tôle froissée et puis plus rien.


"On dit que quand on meurt, on voit sa vie défiler devant ses yeux. Moi j'ai pensé à tout ce que j'avais pas fait, que j'aurais voulu faire, que j'aurais dû faire. J'ai pensé que je l'aimais, que j'lui avais jamais dit, pas suffisamment montré. Que je voulais lire de la fierté dans les yeux de mes parents, voir Dax heureux, Sage épanouie. Aller à l'Université, me marier, avoir une maison, des enfants, un chien, visiter le monde, vieillir avec toi, t'embrasser une dernière fois. Tout, tout ce que je ferai jamais, tout ce que je vivrai jamais, tout ce que j'avais même pas eu le temps de rêver de faire. Ça s'est tout mélangé dans ma tête et ça a explosé pour laisser place au néant. J'étais morte sans même avoir eu le temps d'y penser."

UC