« En ce moment même, je marche les yeux rivés sur le sol humide. La pluie tombe encore, mais à vrai dire, je m'en fiche. Le ciel est sombre, c'est sensé être la pleine lune, mais aucun reflet de cette dernière n'apparaît, je suppose que les nuages la cachent. Si j'étais humaine, je serais sûrement fatiguée, mais maintenant, l'épuisement ne m'atteint plus. J'occupe mes nuits par la photographie habituellement... Mais cette nuit, c'est particulier.
Oui, cette nuit je ressasse le passé. Je repense à avant. Avant que je n'ai cette deuxième vie. Avant que je meurs. Avant de voir que ma vie s'écroule. Je croyais pourtant que la nuit du drame, j'étais morte, pour toujours et que jamais je ne reviendrai. Tout aurait tellement été plus simple si j'avais pu dire à tout ceux que j'aimais que je partais seulement pour quelque temps, et que je reviendrai un peu plus tard. Comme si je partais à l'étranger et revenait après plusieurs années. Peut-être qu'ainsi les récupérer aurait été plus facile. Enfin, les récupérer, non. Le récupérer serait le terme le plus juste. Le seul. L'unique. Mon mari. L'homme a qui un jour j'ai dit oui, à qui j'ai donné mon cœur. Celui à qui un jour j'ai fait la promesse de l'aimer jusqu'à ma mort et plus encore. Et jamais je n'ai brisé cette promesse. Lui en a décidé autrement... Lorsque je suis revenue à la vie, la première chose que j'ai faite, était la chose que je voulais le plus au monde. Revoir cet homme qui m'a tout apporté. Absolument tout...
J'étais devant notre grande maison. Celle que l'on avait acheté quelque mois avant notre mariage. C'était une grande maison de deux étages. Elle était blanche à l'extérieur, et absolument magnifique à l'intérieur. Lorsque nous l'avions vu la toute première fois, ce fut un réel coup de cœur. Nous étions en extase rien qu'à l'idée de nous imaginer vivre à l'intérieur, comme deux amants vivant le parfait amour, et les enfants courant un peu partout, éparpillant leurs jouets dans chaque pièce de notre futur petit nid. Mais aujourd'hui, Nathan devait être seul ici. Je ne sais même pas comment il a réagi lorsqu'il a apprit que je ne reviendrai plus jamais. Je n'ai même pas pu le réconforter ou quoi... Mais qui l'avait fait à ma place? La réponse, j'allais bientôt la connaître. Oh mon Dieu, si un jour j'avais pu deviné ce qui m'attendait lorsque la grande porte rouge s'ouvrirait... J'aurais dû réfléchir avant d'agir. J'aurais dû savoir qu'il n'allait pas me sauter dans les bras, me couvrant de ses baisers le plus doux, me répétant sans cesse que je lui avais manqué... Non. Rien de tout ça n'était arrivé.
D'un pas mal assuré, je me suis dirigée vers la porte d'entrée. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. J'étais décidée, et il fallait que je le revois, maintenant. Mon doigt tremblant se dirigeait sur la sonnette. Un léger « ding-dong » retentit. Je me souviens avoir attendu plusieurs minutes sur le palier de la porte. Ce fut une femme, blonde qui m'ouvrit. Elle était élégante, mais paraissait épuisée. J'en conclus qu'il était tard et qu'elle devait dormir. Dormir? Dans ma maison? Soit, cette femme avait racheté la maison soit... non, impossible.

- Oui? C'est pour quoi? Avant toute réponse, avez vous la moindre idée de l'heure qu'il est?
- Je... herm...

Je tremblais de tout mon corps. Qu'est ce que je pouvais dire? J'étais terrifiée. Oui, c'est le mot, terrifiée... La blondinette commençait à s'impatienter.

- Je voudrais voir Nathan.
- ...De la part de ?
- Sa femme, Maryne.

Elle écarquilla les yeux. Elle semblait me prendre pour une folle.

- Je suis sa femme!
- Je veux parler à Nathan, répétais-je.
- Bon... très bien.

Elle l'appela. Avant qu'il n'arrive, elle me dévisageât d'une façon impolie de toute ma hauteur avec des yeux ronds. Enfin, Nathan arriva d'une démarche nonchalante, il était exactement comme dans mes souvenirs, ses cheveux bruns, son visage parfait, ses yeux verts...
Lorsqu'il me vit, il s'arrêta net. Me regardant fixement dans les yeux, il dit à sa femme de retourner se coucher, qu'il avait des comptes à régler avec moi. Mais quels comptes? De quoi est ce qu'il parlait. J'étais sa femme.
Il me prit brusquement par le bras, m'emmenant un peu plus loin, à l'écart de la grande maison blanche.

- Maryne? Mais... TU ES MORTE!! Tu m'entends?!! TU ES MORTE!!
- Je... NON! Non, je ne suis pas morte, je suis là. Je suis venue de retrouver! Je t'ai...
- NON! Tu. Es. MORTE.
- Qui était cette femme? Cette blonde?
- Ma... femme.
- Et moi?
- Maryne, tu es morte!
- ARRETE NATHAN, si je suis ici, c'est que je suis vivante, alors arrête de me répéter que je suis morte!
- Mais, je t'ai vu, tu es morte dans mes bras! Tu te souviens après notre mariage, cet accident de voiture... J'étais en sang, et toi dans un bien pire état que moi. Tu avais ta robe blanche couverte de sang, tu m'entends! TU ES MORTE DANS MES BRAS!! JE DEVIENS FOU OU QUOI??
- Non, tu ne deviens pas fou... L'autre femme m'a vu, donc je suis vivante! Combien de fois faudra-t-il te le répéter?
- Et toi, combien de fois faudra-t-il te répéter que tu es morte dans mes bras, que je t'ai moi même emmené à l'hôpital à pied, mais c'était déjà trop tard... Je t'ai donné le meilleur enterrement qu'il soit, je suis tombé dans la dépression, et maintenant que je suis heureux, TU REVIENS?
- Je sais... C'est compliqué à t'expliquer, mais je t'assure que je suis revenue, pour de bon.
- Et moi, je suis marié.
- Tu m'aimes?
- Je... J'aime ma femme.

Sur ces mots, je le quittait. Je ne sais pas pourquoi je suis partie... je suppose que je n'avais tout simplement pas envie de l'entendre à nouveau me dire que j'étais morte, ou qu'il avait une autre femme que moi. Je partais, d'un pas horriblement calme. Je ne savais pas où j'allais, mais peu importe. Les souvenirs remontaient. Je repensait à la première fois que j'ai vu Nathan. La première fois que je l'ai embrassé. La première fois que je lui ai dit les mots les plus beaux, « je t'aime ». Ma première fois avec cet homme. Ma première fausse-couche. Sa demande en mariage. L'achat de la maison. La seconde tentative d'avoir un enfant. La mariage... L'accident... Et mon retour.
Durant deux jours, j'ai tenté de revoir mes proches. Seule ma sœur m'a sauté dans les bras. Ne me demandant même pas comment j'étais revenue. Elle m'a simplement dit, « Tu m'as manqué Maryne. Plus jamais je ne veux que tu me quittes, tu es ma soeur pour toujours. Je t'aime. » Sans aucune question, elle m'a accueillie chez elle. Les autres ont prétendus devenir fou. Les autres ne croyaient pas à mon retour, ou plutôt, ils ne voulaient pas y croire.

A l'heure qu'il est, je devrais déjà être rentrée, mais je suis bien dehors. J'aime sortir lorsque j'ai le cœur trop lourd. Je suis persuadée que si en ce moment, j'étais humaine, je serais sûrement en train de pleurer toutes les larmes de mon corps.
Le pire dans toute cette histoire, ce n'est pas le fait qu'il ait une autre femme. Non, ce n'est rien. Deux femmes peuvent se battre pour avoir l'homme qu'elle désire. Si seulement ce n'était que cela. Mais non. Il y a quelques heures, il m'a annoncé qu'il allait être papa. Et moi, j'étais juste enceinte de trois mois avant de mourir... Et jamais, je ne lui ait dit. J'aurais dû. »