HAUNTED • ft. Sephy

Localisation : Le manoir des Stone. Messages : 68 Arrivée à Rye : 01/11/2010

I'm not calling you a ghost, just stop haunting me.

Rebecca fourra ses mains dans les longues poches de son manteau, tremblotante. Des bourrasques de vent fouettaient violemment son visage, tandis que la pluie martelait bruyamment le sol. Le teint cireux, les joues légèrement creuses, et quelques mèches de sa tignasse noire retombant sur son front, elle paraissait faible et avait l'air d'avoir maigri. Elle secoua alors la tête, comme pour s'arracher à de douloureuses pensées, avant de jeter un regard alentour. Une tempête agitait les saules pleureurs qui entouraient le cimetière - ancestraux gardiens des défunts, leurs mouvements semblables à un sinistre ballet. Le ciel était teinté de gris, de lourds nuages noirs obscurcissant l'horizon. Le silence était maître des lieux, et seuls les sifflements déchaînés du vent - tels des hurlements, paraissaient aptes à briser ce calme chaotique. Une menace inconnue, relevant d'une force spirituelle indéfinie planait au dessus des tombes, et les morts enterrés ici auraient été sûrement ravis de savoir qu'ils étaient bien les seuls à être à l'abri de cet imperceptible danger...
Rebecca haïssait cet endroit. Mais par respect - et par amour probablement, elle se devait de venir ici régulièrement, même si au fond d'elle, elle savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas que de piété filiale...
Elle fit quelques pas, les jambes flageolantes, avant de s'agenouiller sur le sol, frissonnant au contact du marbre glacial. La voix chevrotante, elle lut à voix basse les inscriptions gravées à jamais sur la pierre tombale, rituel qu'elle accomplissait à chacune de ses visites.

"Ci-gisent Philippe et Alexia Stone, paix à leurs âmes."

Une ultime larme vint perler sur ses pommettes, souillant son visage d'ange. Pendant quelques instants, elle se laissa bercer par de tendres souvenirs, redessinant avec méticulosité le visage de ses parents dans son esprit. Mais cela remontait à si longtemps... Cette époque empreinte de bonheur et plénitude était révolue, et ce depuis des années. A présent, le désespoir et la lassitude étaient les seuls sentiments capables de se nicher dans son cœur, et la solitude, sa seule véritable amie. Elle déposa une rose, aussi pourpre que le sang, sur la sépulture. Elle sourit faiblement, effroyablement amusée par le contraste entre cette fleur délicate d'un rouge carmin, et la blancheur immaculée du marbre de la tombe. Tout cela était d'une monotonie... Mélancolique, elle releva alors la tête, déterminée à quitter le cimetière au plus vite, mais un bruit de pas dans son dos attira son attention. Une silhouette féminine vêtue de vêtements clairs et amples, serpentait entre les tombes, le pas nonchalant, comme empreint de tristesse. De longs cheveux couleur chocolat cascadaient le long de son dos. Brusquement, cette dernière se retourna, comme si elle avait senti les regards qui lui transperçaient l'échine. Rebecca la détailla en quelques secondes, et fut prise d'effroi lorsqu'elle reconnut ces traits familiers, scellés par la douceur.
-

Toi !

s'écria-t-elle, en reculant d'un bon mètre.
-

Bonjour Rebecca,

articula la jeune femme, veillant bien à détacher ses mots.

Localisation : Le Cimetière Messages : 26 Arrivée à Rye : 07/11/2010

hide and seek
SEPHY && REBECCA

.

Une âme en peine errait, ce soir encore, dans le cimetière moderne de Rye. Ce spectacle était devenu habituel, et Sephy préférait en général l’ancien cimetière au nouveau… Les morts étaient de compagnie plus sympathique que les humains. Ils ne parlaient pas, n’exaspéraient pas, et par-dessus tout, ne trahissaient pas ; qualités manquant cruellement au vivants – au grand damne de la jeune femme.

Sephy trompa l’attente en égrenant les secondes d’une série de coups secs contre le sol ; puis, s’engagea à pas feutrés dans le cimetière. Aussitôt, le spectacle des pierres tombales immaculées l’apaisa. Elle n’aura même pas relevé que la jeune femme, une larme perlant sur sa joue, avait une silhouette étrangement familière si elle ne l’avait pas dévisagée avec une indiscrétion inappropriée au contexte. Elle se retourna brusquement, faisant soudain face à la brune. Alors, en une fraction de seconde, son monde bascula ; les souvenirs affluaient en masse, déstabilisant Sephy. La jeune femme la jaugea, puis fit un bon en arrière en criant et en la montrant du doigt. Elle semblait effrayée, et faisait en un sens un peu de peine à Sephy. Elle n’aurait su dire si c’était le fait de voir un fantôme qui l’avait pétrifiée de la sorte ou la personne de Sephy en elle-même ; mais ce réflexe était inhabituel. En général, les humains ne prêtaient même plus attention aux revenants, certains étaient fascinés, d’autres les évitaient. Mais jamais la demoiselle ne s’était retrouvée face à une réaction comme celle-ci.
Tout était allé à une vitesse phénoménale ; Sephy n’avait rien vu venir. Des images lui revenaient en mémoires, spectres des quelques souvenirs heureux qu’il lui restait. Elle distinguait une jeune femme – Rebecca – se déhanchant sur la piste de danse. Sephy, un verre à la main, la priait de partir, mais sa requête était inaudible dans la cohue des adolescents ivres. Rapidement, elle établit le lien entre la brune à l’allure trop sophistiquée et Rebecca. Les deux formaient un tout. Des gouttes d’eau dégoulinaient de son visage, et Sephy était pieds nus. L’air glacial aurait du la gifler, mais elle ne ressentait rien.

- Bonjour, Rebecca, lâcha Sephy; jaugeant la réaction de la jeune femme. Elle avait l’impression de connaître intimement Rebecca, et pourtant, un fossé les séparait ; elles étaient à des années lumières l’une de l’autre. La première, vivant dans son monde, traînant avec elle son lot de peines et de rêveries ; la seconde, trop préoccupée par le monde dans lequel elle vivait pour se soucier d’autre chose que d’elle-même.

Sephy sentait que l’atmosphère se tendait, mais elle ne ressentait aucune compassion pour la jeune femme. Perdant de son assurance, Rebecca trébucha, manquant de se fracasser le crâne contre la pierre tombale indiquant que reposaient ici les Stone. Sephy connaissait par cœur les inscriptions gravées sur chaque tombe, ainsi que leur emplacement. Elle passait tellement de temps ici, préférant la tranquillité à l’agitation régnant en ville.

- Je suis désolée ! DÉSOLÉE ! Elle hurlait à présent. ARRÊTE DE ME HANTER, LAISSE MOI EN PAIX, JE T’EN SUPPLIE.
Elle tremblait de tout son corps, plongeant Sephy dans la perplexité. Alors, le fantôme s’agenouilla, scrutant le visage de cette énigmatique jeune femme. Rebecca ferma les yeux, se recroquevilla sur elle-même, et plaqua ses mains contre ses oreilles.
La situation tournait étrangement à la dérision…

Localisation : Le manoir des Stone. Messages : 68 Arrivée à Rye : 01/11/2010

RAISE IT UP

Rebecca continuait à reculer, si bien qu'elle trébucha, et manqua de peu de se fracasser le crâne contre l'un des rebords de la pierre tombale. L'image de son sang souillant encore plus la sépulture de ses géniteurs traversa son esprit durant une infime seconde, mais le visage de Sephy, figé dans une expression d'incompréhension, l'empêchait de divaguer. Une foule de souvenirs assaillirent violemment son esprit, et Rebecca s'écroula. La peur se lisait dans son regard, et un sentiment de culpabilité venait de jaillir au creux de son être, détruisant tout sur son passage, bousculant son cœur, s'engouffrant dans les sombres méandres de son esprit tordu. Elle s'embrasait sur place, sous les yeux d'un fantôme, plus faible que jamais, priant pour mourir.

- Becky, s'il te plait...
susurra la jeune fille, la main tremblante, faisant osciller dangereusement son verre.
- Oh Seph', lâche-moi, amuse-toi, merde !
cria Rebecca irritée, afin de se faire entendre à travers la foule.
Elle ne lui adressa pas même un regard, elle dansait avec lenteur et sensualité, les yeux fermés, ses courbes fines et gracieuses ondulant au rythme de la musique. Lorsqu'elle cessa ses mouvements voluptueux, elle sonda la foule avec intérêt, le regard pétillant de malice. Remarquant un jeune homme au teint cireux, qui la dévorait des yeux avec une sorte de perversité malsaine, elle s'avança vers lui, le pas chancelant, observée par son amie, qui jaugeait la scène, presque écœurée par le comportement de sa meilleure amie. Elle colla alors ses lèvres sur la bouche de l'inconnu, s'asseyant à califourchon sur ses genoux qui commençaient à trembler. Ils s'embrassèrent langoureusement, Rebecca se retrouvant plaquée contre le mur. Elle laissa échapper un rire naïf, amusée. Sephy soupira tristement, et fit volte-face, après avoir jeter un dernier coup d'œil à celle qu'elle n'arrivait pas à reconnaître. Rebecca s'écarta de l'homme qui commençait à se faire trop insistant, et ce dernier pestiféra. Elle leva son troisième doigt à son attention, et s'éloigna, ayant des difficultés à tenir droite.
- Casse-toi salope !
cracha-t-il dans un souffle.
Elle l'ignora. Elle n'en avait rien à faire. Cela dit, malgré son état d'ébriété, elle nota que Sephy avait disparu. Elle aperçut alors sa silhouette quitter le gymnase, et disparaître après avoir traversé le seuil de la porte. Elle s'élança à sa poursuite, titubante.
- Sephy, attends ! Attends moi !

Elle vacilla quelques instants, sa vision se brouillant lorsqu'elle se retrouva dans l'obscurité de la nuit, avant de pitoyablement chanceler sur le sol. La distance entre Sephy et elle-même grandissait à vue d'œil au fil des secondes. Elle secoua la tête, récoltant alors des maux de tête insoutenables, ayant la désagréable impression qu'on lui pressait le crâne pour qu'il explose. Elle trouva cependant la force de ramper à terre, et fit quelques mètres, avant de sombrer. La dernière image de sa meilleure amie vivante n'était qu'une ombre floue dans la pénombre nocturne...

Tout cela remontait à si longtemps... Trop longtemps... Dévorée par le remord, Rebecca chassa ses souvenirs, martelant le sol de ses poings frêles, avant de lever un regard embué en direction de Sephy. Elle hurla alors, débitant les paroles qui lui brûlaient la bouche - les crachant presque - à une telle vitesse qu'elle-même n'y comprenait rien.

- Je suis désolée ! LAISSE MOI, JE T’EN SUPPLIE !

Constatant alors l'ampleur de ses paroles, elle se recroquevilla sur elle-même. Rebecca ne s'excusait jamais, Rebecca luttait constamment contre les regrets, essayant de les pousser dans un coin de sa tête, sans succès. Elle venait d'aller à l'encontre d'elle-même, et les mots qu'elle venait de prononcer étaient en train de l'achever. Comment un fantôme pouvait-il lui arracher des excuses ? Pourquoi?! Pâle créature, pauvre chose misérable, elle eut l'impression que Sephy l'observait avec pitié, si bien que la rage inonda son être. Elle aurait voulu mourir dans les pires souffrances, elle aurait voulu subir ce que Sephy avait subi, car tout ça était sa faute, son unique faute. Sephy s'avança alors, s'agenouillant, et observa le visage meurtri par l'horreur et l'effroi de Rebecca, puis caressa sa joue avec tendresse.

- Tu savais que je reviendrai. Tu l'as toujours su,

marmonna Sephy avec un sourire.
Rebecca se figea.

Elle s'agita soudainement, cognant le marbre froid de ses poings, jusqu'à faire saigner sa peau.

hurla Rebecca, en tentant violemment d'agripper Sephy pour la secouer.

Elle se releva, fit face au fantôme de toute sa grandeur, et la gifla.

- Non, tu n'as pas oublié. Tu n'oublieras jamais. Je ne veux pas que tu oublies.

Rebecca récupéra son parapluie qui gisait sur le sol boueux, essuyant les larmes qui salissaient son doux minois. Elle reluqua sa dégaine, et pesta contre elle-même de s'être mis dans de tels états. Elle s'aperçut alors dans une flaque, et ce qu'elle y vit lui fit mal au cœur. Elle avait faibli une fois. Mais cela ne se reproduirait plus. Elle se le jura.

Behind the glance